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18 Nov

Un « roman noir » au pays des falaises : Les Villas rouges d’Anne Secret .

Publié par Association des Propriétaires de Mers-les-Bains

Un « roman noir » au pays des falaises : Les Villas rouges d’Anne Secret.

Les Villas rouges, Éditions du Seuil, mars 2009.   Polaroïds, 10 ans dans le noir. Ed. IN 8, mai 2020.

[1] Polaroïds, 10 ans dans le noir. Ed. IN 8, mai 2020.

Anne Secret vit entre Paris, Richelieu et Mers. Ses nouvelles et romans policiers qu’elle préfère appeler « romans noirs » accordent toujours une large place à la géographie des lieux. Elle privilégie les architectures urbaines ou balnéaires décrites avec beaucoup de précision et de justesse. Mers-les-Bains a retenu toute son attention dans Les Villas rouges, roman publié en 2009 et dans Le Trésorier-Adjoint, courte nouvelle, édité dans un recueil hors-commerce en 2020

[1].

 

Les Villas rouges :

 

Anne Secret débute son roman situé en 1982 avec un fait-divers sanglant. En compagnie de deux complices, Andrea et Udo, Kyra intercepte avenue du Général Leclerc à Paris un camion de l’administration pénitentiaire qui transporte un activiste allemand Markus Fried. Celui-ci échappe à ses geôliers et parvient à s’enfuir. Dans la fusillade qui s’ensuit un policier est tué. Pour échapper à leurs poursuivants, Kyra et ses compagnons prennent le train gare du Nord, en direction du Tréport. Ils sont accueillis à leur arrivée par Pierre Gillain qui les conduit à Ault, dans la villa Marie-Odile, dont il est propriétaire. Au sortir de la gare, ils longent la mer :

«Gillain roule lentement. Au fond, la découpe lourde d’une falaise.  À ma droite, une ligne de villas hautes et étroites, collées les unes aux autres, parfois juste séparées par la trouée d’une rue en pente.  Architectures éclectiques : Art nouveau, néo-normand avec céramiques et pans de bois. Un décor fantastique dans la lumière jaune des réverbères.

-On est où ?

-Udo me presse le genou.

-Mers-les-Bains ». (p.20).

Un « roman noir » au pays des falaises : Les Villas rouges d’Anne Secret .

L’Hôtel Bellevue :

 

Kyra passe avec Gillain le réveillon du 1er janvier à La Pergola dans l’ancien casino d’Ault. Elle le quitte pour partir avec Udo. Tous deux montent en voiture et prennent la direction de Mers :

« Nous atteignons l’esplanade de Mers-les-Bains. Udo gare la R5 non loin de la falaise. Je contemple la courbe élargie du front de mer avec les silhouettes aiguës des constructions balnéaires. À gauche, dans une petite rue, les néons d’un hôtel : Bellevue, dont la salle à manger vitrée baigne dans une lumière verte. Quelques silhouettes s’agitent sur du disco.

Udo pose une main sur mon épaule. 

- On va là ».  (p.43).

Un « roman noir » au pays des falaises : Les Villas rouges d’Anne Secret .

La Villa française :

 

Au réveil, alors qu’il fait encore nuit dehors, Kyra prend les clés de la R5 pour conduire Udo à la gare du Tréport :

 

« L’esplanade est déserte. Nous longeons les façades éteintes. Udo me demande de tourner à gauche. J’oblique. Après une dénivellation brutale, la rue débouche sur la D940. Udo me fait stopper le long du trottoir.

On descend deux minutes.

Je lève la tête. L’éclairage urbain, fixé au niveau des premiers étages, laisse dans la pénombre les toitures frangées d’ornements de zinc. Aucune fenêtre n’est éclairée.

Sur le trottoir de droite, une imposante villa de trois niveaux occupe l’angle. Style néo-normand : boiseries brunes, si fines qu’elles ressemblent à des pattes d’insectes ployées, griffant les briques pâles du mur. Sur le flanc, deux bow-windows évoquent d’étranges cabines lancées dans le vide. L’éclat d’un lampadaire souligne les moulures abîmées, les vitres cassées, salies de fientes d’oiseaux.

Hurlement de klaxon. Un poids lourd qui passe sur la départementale fait trembler les vitres du voisinage. L’ouverture de la maison est encadrée d’un porche dévoilant des marches obscures. À gauche une jolie plaque de lave émaillée porte la mention : Villa française.

Udo me presse l’épaule

- Quand j’étais gosse, cette baraque me fascinait….

De l’autre côté de la route, au-delà de bâtiments sans étages, un complexe industriel crache une fumée blanche.

-C’est quoi ?

- La verrerie Saint-Gobain » (pp.  46-47).

 

Un « roman noir » au pays des falaises : Les Villas rouges d’Anne Secret .Un « roman noir » au pays des falaises : Les Villas rouges d’Anne Secret .

Retour à Mers :

 

De crainte d’être démasquée, Kyra revient à Paris. Elle mène une vie précaire, changeant régulièrement de domicile. Désireuse de retrouver Udo, elle décide d’interroger Gillain. Elle loue une voiture à Amiens et roule en direction du Bois de Cise, non loin d’Ault où elle a pu localiser Gillain.

« Je prends la départementale qui descend sur Eu. À droite et à gauche, la ligne sombre des collines qui marquent la crête des falaises ».

« Les faubourgs de Mers-les-Bains. Je double le Mammouth, entre dans l’agglomération, puis arrive sur le front de mer. Il y a encore quelques baigneurs sur les galets. Je contemple les folies Art nouveau de l’esplanade dont les peintures s’écaillent. Dans la lumière douce de septembre, tout paraît radicalement différent » (p. 101).

 

Un « roman noir » au pays des falaises : Les Villas rouges d’Anne Secret .

Ault et Mers :

 

Anne Secret place les premières scènes de son roman, dont nous ne dévoilerons pas l’épilogue, à Ault et à Mers. Elle décrit avec beaucoup de finesse la ligne courbe de l’esplanade de Mers, bordée de villas « collées les unes aux autres, parfois juste séparées par la trouée d’une rue en pente ». Elle permet au lecteur de s’orienter dans ce dédale urbain en lui fournissant des points de repère : le Mammouth[1] situé à l’entrée de Mers, la verrerie Saint-Gobain[2] et, sur la plage, l’hôtel Bellevue[3] précédé d’une véranda vitrée. Les architectures délabrées qu’elle décrit « dans la lumière jaune des réverbères », et les atmosphères nocturnes dont elle nimbe ses personnages renforcent le caractère dramatique du récit et suscitent chez le lecteur un climat de malaise, voire d’insécurité.

Un morceau de choix réside dans la description de la Villa française[4] située à l’angle de la rue Boucher-de-Perthes et de l’avenue du Maréchal-Foch. De manière très suggestive, Anne Secret en souligne le caractère inquiétant. Elle compare les boiseries à « des pattes d’insectes ployées » et note que les bow-windows ou oriels construits en surplomb « évoquent d’étranges cabines lancées dans le vide ». Par le truchement de son personnage Udo, elle avoue son admiration pour cette architecture de « style néo-normand » : « Quand j’étais gosse, cette baraque me fascinait ».

 


[1] Auquel a succédé Auchan.

[2] Maintenant Verescence.

[3] Rebaptisé L’Itinérance.

[4] Édifiée entre 1904 et 1907, par l’architecte parisien, d’origine hollandaise Edouard Niermans, la Villa française avec sa sœur jumelle la Villa parisienne constitue un des chefs-d’œuvre de l’architecture balnéaire.

Un grand "MERCI"  à Dominique Morel "Auteur de l'article".

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