Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 Apr

Un roman sentimental dont l’épilogue se situe à Mers : Orgueil vaincu de Mary Floran (1898) - par Dominique MOREL

Publié par Association des Propriétaires de Mers-les-Bains

 

Marie Guichard, dite Mary Floran

Marie Guichard naît à Abbeville en 1856 où son père était magistrat. En 1883, elle épouse Florent Leclercq, d’où son pseudonyme de Mary Floran. Elle meurt en 1937 dans son château de Beauvoir-Wavans (Pas-de-Calais).

Entre 1889 et 1930, Mary Floran publie une quarantaine de romans dans lesquels elle « fait preuve d’un talent vraiment littéraire, toujours nourri d’intentions bienfaisantes[1] ».

Elle fait paraître en 1898 Orgueil vaincu qui obtient le prix Montyon décerné par l’Académie française aux ouvrages « utiles aux mœurs ».

 

Une veuve éplorée

Eliane a épousé Edilbert, le fils du duc de Crussec-Champavoir. Aristocrate, issu d’une grande lignée, le duc n’a pas supporté que son fils se marie avec la fille d’un banquier endetté. Eliane prévient son beau-père qu’Edilbert, atteint de tuberculose, est promis à une mort imminente.  Au chevet de son fils, le duc fait la connaissance de sa belle-fille qu’il a toujours voulu ignorer. L’inhumation d’Edilbert s’effectue en Bretagne, à Kervelez dans le caveau familial, en dehors de la présence d’Eliane.

Refusant toute pension, Eliane se réfugie chez sa tante à Auteuil et mène une existence laborieuse. En proie au remords, le duc lui rend visite et lui propose de « quitter la retraite paisible où elle était venue cacher sa blessure saignante[2]» pour venir vivre à Kervelez à ses côtés dans le souvenir d’Edilbert. « Votre douleur, unie à la mienne peut m’aider à supporter le cruel fardeau[3] », lui déclare-t-il pour la convaincre.

 

Eliane se réfugie chez son beau-père

Peu à peu, une intimité s’installe entre le duc et sa belle-fille qui joue au tric-trac avec son beau-père et l’accompagne dans ses promenades. Le duc lui confie la gestion de la maison « montée sur un pied princier et où manquait depuis vingt-cinq ans, l’œil compétent d’une femme[4] ». De retour à Kervelez, le fils cadet du duc, Hervé se rapproche de sa belle-sœur avec qui il entretient des liens affectueux : « Hervé, autorisé par son père, se laissa aller au courant sympathique qui l’attirait vers Eliane, et elle fut bientôt traitée par lui en sœur, et en sœur chérie[5] ».

Eliane est rappelée à Auteuil par un télégramme de sa sœur cadette qui lui annonce la grave maladie de sa tante : « Tante mourante, apoplexie, arrive. Claire[6] ». Eliane communique à son beau-père la nouvelle du décès de sa tante et lui annonce qu’elle quittera Kervelez pour s’occuper de sa sœur « Ma sœur a dix-huit ans, elle devait sortir de pension dans quelques jours, je ne puis l’abandonner. Remettrais-je au couvent cette enfant que n’y attirent ni ses goûts, ni ses désirs[7]  » ?

Le duc ne peut supporter cette séparation. Il propose à Eliane de venir s’installer à Kervelez en compagnie de sa sœur. Eliane télégraphie à son beau-père sa réponse d’acceptation : « Que vous êtes bon ! Du fond de l’âme, merci, j’accepte[8] ».

Hervé, le fils du duc, s’éprend de Claire en qui il voit « une Eliane rajeunie, adorable dans sa candeur, son ignorance de la vie, l’innocence de ses dix-huit ans, une Eliane, enfin, qu’on pouvait aimer sans sacrilège[9] ». Hervé annonce à son père sa décision de faire de Claire « la compagne de sa vie[10] ». Cet aveu déclenche la fureur du duc, incapable d’accepter cette nouvelle mésalliance. Par une lette comminatoire, il congédie Eliane et sa sœur et leur intime de quitter dès le lendemain Kervelez. « Vous avez trompé la confiance que j’avais mise en vous et abusé de l’hospitalité que je vous avais donnée[11] ».

 

Claire et Anne, chassées de Kervelez

Claire et Anne quittent le château du duc et se réfugient chacune de leur côté dans un couvent de religieuses. Le duc, accablé de remords à l’idée que les deux sœurs soient séparées, se procure par une agence de renseignements l’adresse de Claire et la communique à Eliane. Eliane se rend dans un couvent de religieuses à Lure-au-Bois dans le Pas-de-Calais et retrouve sa sœur qui lui annonce son ferme désir d’opter pour la vie religieuse. Eliane veut l’en dissuader et lui demande de prendre le temps de la réflexion.  Eliane décide d’emmener Claire au bord de la mer « comptant sur l’air salin pour rendre aux joues de Claire les roses qui les avaient fuies[12] ».

 

À Mers-les-Bains

« Ensemble elles cherchèrent une plage paisible où elles seraient isolées, car il eût été pénible de rencontrer leurs connaissances dans ce premier moment de trouble et elles se décidèrent pour un petit village de la Somme, niché au pied d'une grande falaise, enserré entre de verdoyantes prairies et la mer, à deux pas du Tréport, mais plus calme encore, pour Mers-les-Bains. Elles s'installèrent à l'hôtel du Casino.

Elles prirent au second étage, deux chambres qui s'ouvraient sur la plage et elles commencèrent une vie très calme, très solitaire mais très douce qui convenait à merveille à leur état actuel d’esprit. Elles aimaient toutes deux passionnément la mer, dont la seule contemplation leur prenait bien des heures. Quand la marée basse leur permettait, elles s’en allaient, dans un groupe de rochers, jetés au bas de l’immense falaise qui se prolonge tout le long de la côte, et là s’asseyant sur les pierres grises recouvertes de moules, à côté d’autres, verdoyant sous les algues qu’elles retiennent, en leur bizarre végétation marine, et qui, dans leurs anfractuosités, cachent des coquillages, des crabes et des crevettes. Elles causaient alors longuement, respirant les senteurs âcres, pénétrantes et si saines de l’air saturé d’émanations iodées et salines. Souvent, perdant la notion du temps, il fallait que le bruit des premières vagues frappant les rochers les plus avancés vint les avertir qu’il était temps de battre en retraite, et promptement car le flot monte avec une rapidité folle dans ces pierres d’avance presque toutes baignées par l’eau que la précédente marée leur a apportée, et qu’elles ont retenue[13]… ».

« Elles allaient peu au Tréport, de crainte d’y rencontrer quelque visage de connaissance, mais ne résistaient pas, cependant, au plaisir de venir à la jetée, surtout les jours de gros temps, voir sortir et rentrer les bateaux de pêche[14] ».

 

Un épilogue heureux

En proie à d’intenses regrets et conscient que « la vraie noblesse n’est pas celle du nom, c’est celle de l’âme[15] », le duc se rend au Tréport. Il se fait conduire aussitôt à Mers, hôtel du Casino et demande à voir Mme de Crussec.

 

« Je suis venu vous demander pardon, fit-il, appuyant sur le mot et inclinant sa tête blanche dans un geste d’humilité profonde, et vous demander aussi la main de votre sœur pour mon fils Hervé[16] ».

« Sa conscience l’avait condamné, son orgueil était vaincu[17] ».

 

 

Dominique Morel - Avril 2024

 

[1] Abbé Louis Bethléem, Romans à lire et romans à proscrire, essai de classification au point de vue moral des principaux romans et romanciers de notre époque (1800-1904) avec notes et indications pratiques, Cambrai, 1905, p. 116.

[2] Mary Floran, Orgueil vaincu, Paris, collection Stella, 1927, p. 52.

[3] Ibid. p. 53. - [4] p. 68 - [5] p. 71 - [6] p. 87 - [7] p. 89

[8] p. 94 - [9] p. 99 - [10] p. 121 - [11] p. 124 - [12] p. 149

[13] p. 149 - [14] p. 150 - [15] p. 156 - [16] p. 158 - [17] p. 157

Commenter cet article

Archives

À propos

Depuis 1886, l’Association se mobilise sur les questions de patrimoine, d’architecture, de cadre de vie, d’urbanisme, de protection des sites et des paysages, de promotion économique et touristique à Mers-les-Bains